HEC Paris l'École 42 et Paris-Saclay s'associent et créent un programme qui transforme vos projets en start-up en seulement 9 semaines. Nous sommes partis à la rencontre de Julien Lévy, directeur du Centre Digital d'HEC, pour en savoir plus sur cette formation basée sur la pédagogie par projet, appelée "learning by doing".
Julien Lévy, directeur du centre digital d'HEC Paris
HEC Paris, l’École 42 et Paris-Saclay, trois écoles réunies autour d’un programme d’entrepreneuriat digital : pourquoi cette association ?
HEC travaille depuis l’origine avec 42. Je connais Nicolas Sadirac et Kwame Yamgnane, qui ont fondé 42, de l’époque où ils dirigeaient Epitech. J’intégrais déjà leurs étudiants dans certains programmes d’e-business d’HEC afin de faire des équipes mixtes managers / développeurs. J’ai toujours un très bon partenariat avec Epitech, dont les étudiants sont excellents, mais j’ai été enthousiasmé par le projet 42.
Dès la première année, nous avons intégré des étudiants de 42 qui nous ont étonnés par leur diversité et leur talent. Nous avons été plus loin en signant un partenariat institutionnel entre les deux écoles sur l’entrepreneuriat digital. L’idée est simple : mêler des managers, des développeurs et des designers pour constituer des équipes mixtes, au sein d’une pédagogie par projet (learning by doing). Chacune de ces compétences est complémentaire des autres et la confrontation des cultures est très stimulante. C’est ainsi qu’est né le programme Digital Entrepreneur – qui se déroule à 42 sur une pédagogie proposée par HEC. Bien que HEC soit membre de Paris Saclay, c’est une entreprise spécialisée dans l’hébergement et l’accompagnement de start-up, Creative Valley, avec qui nous travaillons, qui lui a fait connaître cette initiative. Paris Saclay nous a manifesté son intérêt pour être partie prenante. Nous avons donc intégré dans cette première édition 20 étudiants issus des écoles d’ingénieur de Paris Saclay.
Pour avoir décidé de lancer un programme sur cette thématique, quels constats avez-vous faits ?
La génération actuelle a une chance exceptionnelle : il est possible de créer une entreprise sans expérience et sans argent !
L’écosystème actuel est bien différent d’il y a plus de vingt ans, quand je suis sorti d’HEC. Le constat est qu’on assiste à la multiplication des sources de financement et à la concurrence entre de nombreux accélérateurs : la ressource rare aujourd’hui, ce sont des talents avec de bons projets. Il se trouve qu’HEC et 42 disposent de ces talents, ce sont nos étudiants, et que notre rôle est de les aider à développer de bons projets.
Même si les entreprises Internet sont surévaluées aujourd’hui et qu’une bulle peut éclater comme dans le passé, l’économie digitale existe, et les financements et les accélérateurs seront toujours là pour des projets intelligents. Ils seront simplement plus exigeants, et ça nous va !
Quelles sont les conditions à remplir pour participer à l’aventure ? Faut-il nécessairement être étudiant dans l'une des trois écoles ?
Digital Entrepreneur n’est pas un programme de formation à l’entrepreneuriat … C’est un programme conçu pour lancer des start-ups. Les participants sont sélectionnés par un jury professionnel composé de capital-risqueurs, de représentants d’accélérateurs et de professeurs, sur la base de leur projet et de la composition de leur équipe.
Nous avons multiplié les opportunités de contact entre écoles avant la sélection pour que des équipes mixtes se constituent. Et comme nous aidons à lancer de vraies entreprises, il semblait normal que nous prenions aussi des membres d’équipes qui ne soient ni HEC, ni 42, ni Paris Saclay. De ce fait, nous intégrons dans le programme toutes sortes de profil, si les participants sont membres d’une équipe comprenant au moins un étudiant d’un des trois partenaires. Je précise que ce programme est gratuit pour les participants. Nous avons recruté 40 équipes pour la promotion 2016.
Que conseilleriez-vous à un jeune pour être sélectionné ?
Logiquement, trouver un co-équipier HEC, 42 ou Paris-Saclay. Un jury professionnel évalue ensuite l’équipe et le projet, lors de sessions de pitch et d’un start-up weekend que nous avons organisé sur le campus d’HEC.
Les très bonnes équipes avec de très bons projets n’ont évidemment pas de problème. Si l’équipe est trop homogène, c’est un handicap, mais la qualité du projet peut le compenser. Si le projet est moyen, c’est un handicap, mais la qualité des équipes peut rendre le jury confiant qu’elle sera capable de « pivoter » avant ou pendant le programme. Nos critères ne sont en fait guère différents de ceux d’un bon accélérateur.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le programme et la durée de ce parcours ?
Le programme réunit trois compétences clés : le management (HEC), le codage (École 42) et le design (diverses écoles) avec une orientation « learning by doing » et une ambition unique : lancer une start-up en 9 semaines (février et mars cette année).
Le programme est organisé en quatre séquences : développer et valider le concept ; concevoir le produit ; développer l’offre et finaliser le projet. Chaque séquence est structurée par des interventions de professionnels et d’experts et des délivrables à remettre. Des conférences d’entrepreneurs, des visites de start-ups et des opportunités de « réseautage » complètent le dispositif. Les équipes sont accompagnées par un coach manager et un coach technique et pitchent leur projet devant un jury professionnel à l’issue de chaque séquence (quatre fois au total).
Le dernier jour du programme, les équipes présentent leur projet devant des responsables des principaux fonds de capital-risque et des accélérateurs français, que nous avons associés au programme. La semaine suivante, un pitch est organisé à Londres, en présence d’investisseurs étrangers.
En quoi ce parcours se distingue d’un incubateur ou d’une aide apportée par une structure à vocation entrepreneuriale ?
Les équipes suivent un programme, séquencé dans le temps, avec des interventions de professeurs experts, des délivrables à rendre à chaque étape clef et un résultat final à délivrer 9 semaines après le début du programme. C’est donc une formation.
Mais la finalité de cette formation n’est pas seulement d’apprendre quelque chose aux participants, ni même d’apprendre à faire, mais qu’ils lancent leur start-up. C’est donc une plateforme de lancement de projet plus qu’une simple formation. Nous avons un format hybride qui n’est pas celui d’un accélérateur… et qui reste très original pour une formation.
Du reste, certains projets vont demander plus de 9 semaines pour délivrer une offre sur le marché, c’est pourquoi nous considérerons comme un succès que ces projets intègrent un accélérateur et par conséquent, nous avons associé les accélérateurs au programme et au jury. Notre objectif est qu’à l’issue du programme, le plus grand nombre d'équipes lancent leur start-up, ce qui signifie pour nous : démarrer l’activité, intégrer un accélérateur de référence ou lever un financement en capital-risque.
Quels outils pédagogiques vont être mis à disposition des étudiants ?
Le programme se passe dans les locaux de 42, qu’on aménage pour l’occasion avec des espaces de coworking. Outre les étudiants de 42 qui sont membres d’une équipe, des étudiants de l’école pourront donner un coup de main aux projets.
Les équipes bénéficieront de l’apport d’experts et de professionnels : plusieurs matins de chaque semaine sont consacrés à ces cours, qui sont très pratiques, programmés en fonction des délivrables à réaliser (design thinking ou stratégie marketing au moment de la phase de développement et de validation du concept par exemple). Chaque équipe est suivie par un coach (pas plus de 4 équipes par coach), bénéficie d’un coaching technique de 42, ainsi que des retours d’un jury composé d’un membre d’accélérateur, d’un capital-risqueur et d’un prof, devant lequel ils vont pitcher plusieurs fois.
Par ailleurs, les étudiants assistent à plusieurs conférences de témoignages d’entrepreneurs ou de capital-risqueurs.
Quels sont les résultats jusqu’à présent ? De quoi êtes-vous particulièrement fiers ?
C’est notre première année, nous verrons donc fin mars le résultat de cette aventure. Mais nous avons reçu un très grand nombre de projets, nous avons réussi à impliquer les grands acteurs de la place de Paris, les équipes sont enthousiastes et nos institutions soutiennent cette initiative. Notre récompense sera le succès des équipes fin mars et que les prochains Price Minister, Leetchie et Bla Bla Car sortent du programme.
Quelle est l’ambition d’un tel programme à plus long terme ?
Être une source reconnue internationalement pour la qualité des équipes et des projets qui en sortent, ce qui va bien entendu de paire avec leur succès.
HEC est la business school en Europe qui s’est le plus impliquée dans l’e-business, avec un ensemble de programmes très étendu et diversifié. Ses Alumni sont très fortement présents dans les grandes entreprises technologiques et les start-ups : le succès d’une école se mesure d’abord à celui de ses diplômés.
Mais digital signifie aussi innovation. Qu’HEC s’associe avec une école qui avait moins de deux ans d’existence et qui ne délivre pas de diplôme, comme 42, a surpris tout le monde.
Je pense que nous pouvons aller plus loin. Nous avons un savoir-faire et la volonté d’innover. Nous nous adressons aux étudiants d’HEC, de 42 et de Paris Saclay –et, par exception à des membres d’équipes n’appartenant pas à ces institutions. Je pense que nous devons ouvrir ou dupliquer ce programme à des talents sans condition de diplôme –et sans frais d’inscription.
Notre système d’enseignement est terriblement élitiste, mais je préfère l’élite des talents et de la motivation à celle des seuls diplômes.
Je travaille donc à ce projet d’élargissement de nos programmes : il ne nous manque pour le moment … que les sponsors qui vont le financer !
Merci Julien Lévy !