Après un voyage au Togo, Chloé et Nadine se sont rendues compte d’une réalité alarmante : plus d’1,8 milliard de personnes consomment chaque jour une eau dangereuse pour la santé. Malgré les solutions apportées par les ONG pour offrir un accès à l’eau potable, celle-ci est transportée la plupart du temps dans des jerrycans dont l'hygiène est loin d'être suffisante (huile, bactéries et pétrole). Les deux jeunes filles ont ainsi décidé d’apporter une solution s’adaptant facilement aux éléments existants et ce à moindre coût. Découvrez leur invention : le Wat'bag ! Pouvez-vous nous raconter votre parcours scolaire ? Chloé : Après un bac scientifique, nous avons toutes les deux intégré Strate École de Design, Nadine en deuxième année après une mise à niveau en arts appliqués à Penninghen et moi-même dès la première année. Au cours de notre cursus de 5 ans, nous avons suivi une spécialisation en Design Produit sur trois années pendant lesquelles nous avons eu la chance de travailler en partenariat avec Médecins Sans Frontières pendant tout un semestre sur la distribution de l’eau dans les camps de réfugiés. Nous avions déjà développé une sensibilité commune pour le domaine humanitaire et avions effectué une mission d’un mois avec l’association“Urgence Afrique” au Togo autour de la reforestation et la sensibilisation à l’environnement lors de notre deuxième année. Suite à l’intérêt de Médecins Sans Frontières pour notre projet Wat’bag, nous avons décidé de le poursuivre après notre année de diplôme en 2014 puis de le présenter au concours James Dyson Award 2015.
Pour quelles raisons vous êtes-vous dirigées vers le design et l’ingénierie ? Qu’est-ce qui vous a attiré ?
Chloé : Le design a toujours suscité ma curiosité, car il est omniprésent dans notre quotidien. Ce domaine passionnant nous pousse à constamment analyser les besoins et les comportements de l’humain, mais aussi à rechercher du sens et de la cohérence dans un contexte aux multiples facettes économiques, sociales et environnementales.
Nadine : Le métier de designer nécessite de se mettre au plus proche de l’humain, de faire preuve d’empathie et de curiosité pour répondre de la façon la plus juste aux besoins actuels et futurs. C’est aussi pour ces raisons que ce métier nous attirait. Plus personnellement, j’ai été influencée par mon père, fondateur de Handpresso, qui m’a transmis la passion de l’innovation. Le projet Wat’bag en quelques mots ? Wat’bag est une poche plastique protectrice qui empêche les bactéries et autres produits toxiques d’entrer en contact avec l’eau potable contenue dans des jerrycans, utilisés auparavant pour le transport d’huile et d’essence. Le principe est simple, il suffit d’insérer la poche qui se déploie d’elle-même lors du remplissage puis de fixer sa bague de fixation au goulot du jerrycan.
Comment vous est venue l’idée ? Quelles ont été vos sources d’inspiration ? Au cours de nos recherches, nous avons constaté qu’un nombre considérable de jerrycans était utilisé pour le transport de l’eau et ce pour différentes raisons pratiques (taille, résistance, etc). Cependant, nous avons été frappées par le manque d’hygiène et la toxicité des jerrycans malgré les solutions apportées par les ONG (savon + chlore). Nous avons alors travaillé sur une solution s’adaptant facilement aux éléments existants tout en apportant une nette amélioration de l’hygiène de l’eau. Le concept de Wat’Bag a été inspiré du « BaginBox », traditionnellement utilisé pour le vin. Nous aimions l’idée que ce produit ait été pensé en deux parties complémentaires : une partie souple antiseptique qui conserve les propriétés du liquide et une autre partie rigide, adaptée au transport.
Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées dans l’élaboration de Wat'bag ? Dans un contexte comme celui-ci, tout l’enjeu est de prendre en compte un grand nombre de contraintes sociales, économiques et logistiques comme le respect de la culture, le coût de production, le transport … Il nous a donc fallu jongler le plus justement possible avec ces différents paramètres afin de créer un produit cohérent et efficace. Une des autres difficultés a été de proposer l’usage le plus intuitif possible du produit pour que celui-ci se fonde dans le quotidien des populations concernées sans perturber leurs habitudes. Nous avons passé en revue les innovations qui avaient été proposées auparavant autour de ce même thème et avons analysé les raisons pour lesquelles la population s’était appropriée certaines d’entre elles et en avait rejeté d’autres.
Qu’est-ce qui vous a poussées à participer à l’édition 2015 du James Dyson Award ? Nous souhaitions confronter Wat’bag au regard d’un jury extérieur et expérimenté. Ce type de concours permet également d’apporter une certaine crédibilité au projet auprès d’associations et autres organismes pour son futur développement. Et nous avons rencontré Bastien Perdriault, responsable du “Prix ArtScience” et designer d’un filtreur d’eau 100% biodégradable qui nous a convaincues de nous lancer dans cette aventure et nous l’en remercions !
Vous avez remporté l’étape nationale, à votre avis quelle facette de votre projet a le plus séduit jury ? Ce qui a pu séduire le jury dans notre projet Wat’bag est le fort contraste entre la simplicité de la réponse et l’impact qu’elle pourrait avoir sur la santé des nombreuses populations touchées par cette problématique. Que le Wat’Bag soit validé ou non lors de l’étape internationale, quelle leçon retirerez-vous de cette expérience ? Nous sommes déjà ravies que Wat’bag ait été lauréat national ! Ce concours nous a confortées dans l’idée que travailler sur des enjeux comme celui-ci peut être valorisé et susciter l’intérêt des gens.
Nous partageons la conviction que le design doit continuer de se positionner et de véhiculer du sens pour répondre aux problèmes actuels.
Quels sont vos projets pour l’avenir ? Nous souhaitons dans un futur plus ou moins proche monter notre propre structure autour de projets essentiellement tournés vers l’humanitaire. Quant à Wat’bag, la prochaine étape est de développer des prototypes fonctionnels afin de les tester sur place dans de réelles conditions terrain, ce qui est primordial pour ce type de produit.
Que diriez-vous aux jeunes qui hésiteraient à se lancer ? Si une idée vous tient vraiment à coeur, il ne faut pas que la peur soit un frein à la concrétisation de vos projets ! Peu importe la finalité, le parcours réalisé ne peut être qu’enrichissant et formateur. Merci beaucoup de nous avoir partagé votre aventure les filles ! Si vous en voulez encore, regardez la vidéo de présentation du Wat'bag ou visitez le site de Chloé et le site de Nadine.