Partir en mission humanitaire avec Action Pour le Bénin : Interview

Partir en mission humanitaire avec Action Pour le Bénin : Interview

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Publié le 04 février 2013 , par Léa Beli

Nous vous avions présenté l'association étudiante Action Pour le Bénin (APB), découvrez en plus sur APB  et sur l'humanitaire à travers l'interview de David Munnich, membre de l'association. Bonjour David Munnich ! 

En quelle année êtes-vous parti à Natitingou ?

Je suis parti à Natitingou en juillet 2001, avec la première équipe d’une dizaine de personnes (François Moreaux, Marie Coucaud, Côme Derkenne, Justine Bertheau, Beno –Benjamin- Soudier, Perrine Albrieux, Nadja Bresous, Louise Decaux, Olivier Bron, Pierre Guillibert et Didier Laval). A dire vrai, Pierre et Olivier étaient arrivés en juin en éclaireurs. Nous étions pour beaucoup d’entre nous de la promo 2004. Pauline, une étudiante de 3ème année avait eu l’idée de créer l’asso’ APB sur le campus pour appuyer une petite ONG béninoise de Natitingou qu’elle avait connu par ailleurs.

Pourquoi faire de l’humanitaire ?

Je ne m’étais jamais intéressé à l’Afrique ni à l’humanitaire auparavant. Lorsque Pauline m’a parlé de son projet, ainsi qu’aux autres, je me suis dit « pourquoi pas ? ». Le projet était très « entrepreneurial » et très motivant. On peut dire que cette petite décision en a amené de nombreuses autres !

Et pourquoi particulièrement au Bénin ?

Tout simplement parce que notre partenaire identifié était une ONG béninoise de Natitingou. Nous n’avions pas d’autre raison de choisir le Bénin. Rétrospectivement, il faut reconnaître que le choix de cette ville était judicieux : Natitingou est une petite ville calme dans les collines, idéale pour apprendre à connaître l’Afrique, bien plus adaptée qu’une capitale par exemple. Tout y est à échelle humaine, y compris la vie de quartier, et les volontaires d’APB y sont rapidement connus : plus facile de nouer des contacts avec les Béninois dans ces conditions qu’à Cotonou.

Pendant la mission

Combien de temps a duré votre mission ?

Auriez-vous aimé rester plus longtemps ou votre séjour vous a paru suffisant ? Je suis resté deux mois à Natitingou en 2001. C’était très court, mais, pour une première expérience, c’était déjà bien. J’étais désespéré au moment de partir car j’ai été très heureux à Nati. Cette expérience a été très marquante pour moi, comme pour d’autres. A tel point que je suis revenu en 2004 avec Justine Bertheau, Didier Laval, Laurene Cheilan et Sabine Trannin, mais c’était en quelque sorte « hors APB » car nous ne voulions pas interférer avec l’équipe sur place. Nous avons mené un projet culturel autour des contes traditionnels avec la Maison des jeunes. David, vous êtes le président du premier groupe de volontaires à être partis avec Action Pour le Bénin (2001). Être le premier à mettre en place la mission à Natitingou devait être extrêmement marquant, voire émouvant.

Dites-nous en plus sur l’Afrique d’il y a 12 ans, ainsi que sur ces premiers pas.

J’ignorais qu’APB connaîtrait le succès qu’elle a aujourd’hui grâce aux efforts des promos successives d’HEC. A l’époque, c’était un simple test et c’était surtout un projet collectif de notre petite équipe d’alors. Devant le nombre de candidats, nous avons ensuite pensé envoyer des volontaires en permanence par roulement. Mais au départ, nous ne connaissions pas le Bénin. Nous nous sommes fortement rangés derrière nos partenaires béninois pour l’organisation des activités (soutien scolaire d’été, microcrédit, sensibilisation, orphelinat, prison…). Aujourd’hui APB est plus installé et gère sans doute mieux les relations avec ses partenaires sur place. J’ai beaucoup appris pendant ce séjour sur l’Afrique, sur l’organisation d’une équipe, sur moi-même, … Cela a été un moment déterminant pour moi : construire quelque chose comme bon nous semble implique aussi de faire face à ses responsabilités !

Racontez-nous quelques moments forts de votre mission (vos missions dans votre cas) : un souvenir particulièrement positif ? Un souvenir négatif ?

Les relations avec certains partenaires béninois ont été parfois complexes et je regrette à présent de n’avoir pas eu plus de lucidité pour gérer cela. Nous aurions pu consacrer plus de temps et d’efforts à ces relations. Dans un partenariat, les attentes de chaque partie doivent être très claires pour tous, afin qu’il n’y ait pas de déception. D’autre part, les objectifs de l’action/du projet doivent être bien définis et partagés par tous les acteurs, pour que tous puissent s’assurer du bon déroulement du projet. Les structures béninoises doivent savoir quoi attendre d’APB. Les modalités et le contenu des projets pourraient par exemple être co-construits avec eux (en tout cas bien expliqués à tous). Du côté des moments les plus positifs, certaines rencontres restent comme des moments très forts. Difficile de tous les citer rapidement, mais j’en ai plus d’une dizaine en mémoire…

Quelle activité vous a le plus marqué (prison, orphelinat, bibliothèque, cours d’été…) ?

Les cours étaient les moments de rencontre et d’échange les plus vivants avec des jeunes. Je me souviens de plusieurs conversations formidables à l’issue de ces cours. Par exemple, un cours de philo avec des élèves de terminal très intelligents poursuivi jusque dans la cour autour de questions essentielles : qu’est-ce que le développement ? Qu’est-ce que la culture ? Avez-vous tissé des liens forts avec des Béninois ? Certains durent-ils encore aujourd’hui ? Bien sûr, j’échange encore de temps en temps avec certains amis béninois, et je suis loin d’être le seul. Bon nombre des autres volontaires de cette époque aussi. Je suis sûr que c’est très souvent le cas.

Analyse

Quelles qualités doit-on posséder pour faire de l’humanitaire ? et plus particulièrement à Nati ?

L’envie de rencontrer des gens et des lieux différents, la curiosité de découvrir d’autres cultures, la patience d’écouter et comprendre avant de proposer et de faire, l’humilité de ne pas forcément réussir à la première tentative, et bien sûr la volonté acharnée d’aider et de rendre la vie plus facile dans des régions où le quotidien reste encore assez dur ! Quelle est la particularité / la force d’APB selon vous ? C’est une asso d’étudiants complètement autonome ! C’est une chance inouïe et en même temps une grande responsabilité. Le risque d’échouer est réel. Les équipes doivent faire preuve de beaucoup de maturité, d’autonomie, d’organisation, de sens de l’engagement et de responsabilité. Vous pouvez tout faire, c’est rare, alors profitez-en et faites bon usage de cette liberté. Après la mission Diriez-vous que votre mission a influencé l’adulte « en devenir » que vous étiez à ce moment-là? J’ai travaillé dans d’autres domaines, mais j’ai finalement décidé de revenir aux métiers du développement. L’expérience avec APB y est bien sûr pour beaucoup. J’ai été mis face à des problématiques et des situations nouvelles et, par-dessus tout, j’ai aimé travailler avec d’autres cultures. Mon premier séjour en Afrique sub-saharienne avec APB a été un moment charnière. Depuis j’ai vécu et travaillé dans d’autres pays d’Afrique (Mauritanie essentiellement, avec des courts séjours au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Cameroun…) mais le Bénin conserve une saveur particulière pour moi ! Pour finir, nous sommes nombreux à envisager des carrières dans la solidarité internationale, ou, tout du moins, à avoir envie de rester actif dans ce domaine. Avez-vous continué de loin ou de près à vous investir dans l’humanitaire?

Plus encore, est-ce que votre carrière ou votre vie personnelle ont été influencée par votre mission au Bénin ?

La découverte des enjeux du développement avec APB m’a fasciné et m’a conduit à poursuivre dans ce secteur : j’ai travaillé pour l’Agence française de développement à Paris et en Mauritanie, puis pour Investisseur & Partenaire, un groupe de fonds d’investissement dédiés aux PME africaines. Tout ceci n’aurait pas été possible sans APB…

Quel serait votre plus grand espoir/rêve pour APB ? Pour Nati ? Pour l’Afrique ?

Le grand rêve, c’est que l’Afrique créé des asso pour aider l’Europe… Cela arrivera certainement et j’espère qu’APB sera là pour le voir dans quelques décennies. D’ailleurs ce n’est pas impossible, l’Afrique va déjà de mieux en mieux ! La croissance est au rendez-vous, les Etats n’ont plus de dette, les jeunes arrivent sur le marché de l’emploi, … Alors quelques idées en vrac d’ici là : organiser des cours de finance et de marketing à Nati, créer une pépinière d’entreprise, faire venir des étudiants de Nati sur le campus d’HEC… ? Bien sûr les besoins de base restent colossaux et APB doit jouer son rôle au niveau de la ville de Natitingou.

David, que ressentez-vous quand vous voyez qu’APB existe encore aujourd’hui et quelle est l’association humanitaire du campus qui remporte le plus de prix pour son sérieux et sa pertinence ?

Une grande fierté d’avoir contribué à cela et une vraie admiration pour l’engagement des étudiants chaque année. Les étudiants d’HEC ont beaucoup à apporter (et aussi à recevoir) en travaillant au Bénin avec APB.