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Si l’on peut considérer que l’immense majorité des politiques menées par un gouvernement a un impact plus ou moins direct sur la jeunesse, ce n’est pas à la réforme territoriale que l’on penserait en premier. Pourtant, par bien des aspects, de telles mesures contribueront à modifier la vie des jeunes, notamment du point de vue de l’éducation et de l’économie.
Une mesure nécessaire au-delà d’un symbole fort
La réforme territoriale, une volonté présidentielle qui fait un retour tonitruant après les élections européennes, recouvre plusieurs réalités. Il s’agit d’abord d’une réduction drastique du nombre de régions, passant de 22 à 14. Un nouveau trinôme régional est donc envisagé – Poitou-Charentes, Limousin et Centre –, ainsi que de nombreux duos. L’Aquitaine, la Bretagne, la Corse, le Nord-Pas-De Calais, PACA ou encore l’Ile-de-France resteront seules. Je ne commenterai pas ici les arbitrages, mais bien la réforme en elle-même. Outre ce redécoupage régional, c’est le développement et le renforcement du maillage intercommunal qu’il convient de souligner.
13 métropoles et le Grand Paris constituent le cœur du projet depuis le début de l’année. Pour autant, les intercommunalités verront leurs pouvoirs renforcés, alors que les récentes élections municipales ont permis de donner à leurs élus une légitimité par les urnes. Enfin, il convient de souligner la probable suppression des conseils départementaux – et non des départements, la nuance est majeure – à l’horizon 2020.
Ce sont les intercommunalités et les régions qui se partageront leurs anciennes compétences, permettant à la fois de rapprocher les collectivités des citoyens dès lors qu’il s’agit des politiques sociales et de réaliser des économies d’échelle et des politiques d’envergure grâce à des régions de taille suffisante. Cette réforme est un signal fort en faveur de la simplification du « mille-feuilles » administratif si souvent décrié et pointé du doigt.
Elle permettrait de faire des milliards d’économies – j’attends à ce titre avec impatience les évaluations de la Cour des Comptes –. Elle portera un message démocratique majeur, alors que les Français reprochent à leurs élus le cumul des mandats et leur nombre trop important.
Concrètement, cette volonté politique ne semble présenter que des avantages. Elle mériterait donc d’être portée par une large majorité, y compris par l’opposition actuelle. Il en va de l’intérêt général. Si le large consensus – auquel j’appelais déjà il y a quelques semaines – que j’espère ne se concrétise pas, il proviendra probablement du manque de consultation des exécutifs locaux et des citoyens et de la hâte avec laquelle fut engagée la réforme.
De l’écolier à l’étudiant, tous concernés
Après ce rapide tour d’horizon des tenants et aboutissants de la réforme, voyons que cette mesure, si elle se voit appliquée, concernera tous les jeunes de France et de Navarre. La suppression des départements aura d’abord plusieurs effets non négligeables. En effet, les collèges seraient désormais gérés par les régions, dotées, naturellement, en conséquence. Point positif, la continuité entre collège et lycée pourra ainsi, éventuellement, être mieux assurée et préparée.
Quant aux politiques départementales en faveur des jeunes, et plus particulièrement des adolescents, il semblerait naturel qu’elles reviennent aux intercommunalités et aux métropoles. En l’occurrence, les municipalités, du moins celles en ayant les moyens, s’alliaient très régulièrement aux conseils départementaux afin de mettre en place une politique jeunesse cohérente et efficace. Une meilleure proximité, permise par la réforme, sera la bienvenue.
Une ombre au tableau est cependant à souligner. En effet, la plupart des régions voyant leur taille multipliée par deux voire par trois, la gestion de proximité des collèges et des lycées, quant à elle, risque de s’essouffler quelque peu. Un sacrifice peut-être nécessaire pour réaliser des économies et être plus efficaces. Des interrogations apparaissent cependant, et elles ne sont pas négligeables.
Les anciennes Inspections Académiques, aujourd’hui dénommées D.S.D.E.N. – Direction des Services Départements de l’Éducation Nationale – sont, par définition, réparties par département ; la réforme n’aura donc pas d’impact sur celles-ci dans la mesure où seul le conseil départemental disparaît. Néanmoins, la question va se poser du point de vue des Rectorats d’Académie. Quid de ces derniers ? Conserveront-ils leurs territoires d’origine, constituant une nouvelle ineptie administrative ? Ou bien seront-ils ramenés à la taille de leur région, risquant de créer de nouveaux dysfonctionnements, les responsabilités et les fonctions assurées par les Rectorats étant colossaux.
Je ne ferai, enfin, qu’aborder rapidement la question des universités et des pôles régionaux universitaires. Quels seront les liens entre les établissements d’enseignement supérieurs – qu’ils soient publics ou privés d’ailleurs – nouvellement situés dans la même région ? Devront-ils se rapprocher, ou bien garderont-ils leurs places et rôles initiaux ? Quoi qu’il en soit, de nouvelles collaborations et coopérations seraient très positives pour le paysage universitaire français.
Jeunes entrepreneurs, diplômés et/ou engagés, la réforme sera aussi au cœur de votre quotidien
Jusqu’à présent, plusieurs acteurs se partageaient la compétence économique. Tout d’abord, la région se concentrait notamment sur l’aménagement, l’innovation, la formation et l’emploi. Par ailleurs, les communautés de communes sont nombreuses à prendre en charge le développement économique et l’économie sociale et solidaire.
Enfin, les municipalités elles-mêmes jouent un rôle, quand elles le peuvent, du point de vue de la prise d’initiative et de l’économie de proximité. Le Président de la République a lourdement insisté sur le nouveau rôle fondamental des régions de ce point de vue : « Elles seront la seule collectivité compétente pour soutenir les entreprises et porter les politiques de formation et d’emploi, pour intervenir en matière de transports, des trains régionaux aux bus en passant par les routes, les aéroports et les ports.
Elles géreront les lycées et les collèges. Elles auront en charge l’aménagement et les grandes infrastructures. ». Le nouvel interlocuteur des jeunes diplômés et des créateurs d’entreprises sera donc, de manière tout à fait privilégiée, le conseil régional. Si nombreuses seront les critiques à l’égard de la perte de proximité entre le citoyen et cette échelle de taille européenne – F. Hollande en appelle du moins de ses vœux –, ce sacrifice me paraît nécessaire pour permettre la mise en place de politiques adaptées, efficaces et menées à une échelle optimale.
Je ne doute cependant pas que des collaborations seront mises en place entre les différents échelons. Les communautés de communes, et surtout les Métropoles – dont le rôle sera central dans le développement régional et économique –, se feront sans doute le relais local de ces politiques, sans que des doublons n’apparaissent de nouveau. Quant aux engagés, qu’ils soient eux-mêmes jeunes ou touchant les jeunes, ils auront également à composer avec ces redécoupages et ces nouvelles répartitions de compétences, dans la mesure où les conseils régionaux étaient leur principal partenaire.
Puisque vient le temps de conclure, la réforme territoriale envisagée doit être, de mon point de vue, menée à bien mais aussi et surtout en profondeur, ce qui n’est que partiellement le cas. Tout d’abord, l’État doit également montrer l’exemple en matière de déconcentration. De plus, des interrogations soulevées précédemment, notamment en matière d’organisation éducative, devront trouver réponses. Ce sont en effet les administrations territoriales qui doivent être rénovées, clarifiées et simplifiées. A l’instar des arbitrages parfois rapides, certaines questions ont été éludées. Pour autant, la suppression des départements doit, à mon sens, aboutir, laissant place aux intercommunalités et aux métropoles.