Enseignement, entrepreneuriat, jeunesse… La vision de deux étudiants engagés

Mis à jour le  26 avril 2019

Enseignement, entrepreneuriat, jeunesse… La vision de deux étudiants engagés

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Ils sont âgés de seulement 21 et 22 ans, mais se démènent déjà pour faire bouger les choses en ce qui concerne la jeunesse française. Nous avons décidé de laisser la parole à Emmanuel Semo, Président de RadioVL et Guillaume Plaisance, Fondateur de l'AJIRE. Entrepreneuriat, enseignement supérieur, engagement... Découvrez leurs visions et revendications !  Comment vous présenteriez-vous, vous et votre organisation ?

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Guillaume : AJIRE est une association aquitaine créée en 2012 qui vise à promouvoir l’engagement sous toutes ses formes – entrepreneurial, associatif, lycéen ou encore citoyen – et à mettre en avant les jeunes qui s’engagent. Quant à moi, j’ai 21 ans, et j’étudie à Sciences Po Bordeaux. Et comme je suis passionné par tout ce qui touche de près ou de loin à la jeunesse, à l’engagement et à l’éducation, j’ai le plaisir d’écrire dans ces colonnes assez régulièrement !

Emmanuel : Radio VL est le premier groupe de médias jeune en France. C’est à dire qu’il est uniquement composé de 15-25 ans et délivre au quotidien de l’information. Radio VL est présent sur Iphone via une application mais aussi à travers une web radio, un site d’actualité, de la production vidéo et une gestion artistique. Âgé de tout juste 22 ans, je suis étudiant et chef d’entreprise. Amoureux de l’entrepreneuriat, j’essaye de mêler promotion de la jeunesse et médias dans mes différentes activités. Pourquoi avoir eu envie de créer votre propre organisation ?

Emmanuel : Radio VL est né d’un constat simple : il n’existait pas de médias nationaux entièrement dirigés par des jeunes pour des jeunes. Aujourd’hui notre média est reconnu et certifié par les différentes instances publiques et privées. Il possède un vrai socle de fidèles et atteint plus de 200 000 personnes sur les réseaux sociaux chaque semaine et près de 50 000 visites uniques sur le site. Beaucoup de sites internet sont dédiés aux jeunes. Le nôtre leur est non seulement dédié mais est aussi entièrement conçu par des jeunes du même âge. Notre philosophie est de montrer que maintenant ce sont les jeunes qui font l’info et qu'il n'y a rien de mieux que des jeunes pour parler à des jeunes. Notre ligne éditoriale est sérieuse. Pas de télé-réalité ni de buzz.

Guillaume : Même si je n’avais pas eu la volonté de partir de zéro, je n’aurais pas pu trouver une organisation qui répondait exactement aux valeurs que je souhaitais défendre et aux projets que j’avais imaginés. Évidemment, créer son association comporte des obstacles, et exige sans doute plus de temps, mais ça fait partie du challenge. Aujourd’hui, je ne regrette rien, parce que de nombreux objectifs ont été remplis. Par exemple, l’association a un rayonnement régional et son développement géographique est déjà enclenché. Beaucoup d’autres jeunes suivent-ils le même chemin en créant leur entreprise ou leur association ?

Guillaume : Il y en a, de plus en plus. Il suffit de regarder les incubateurs, les couveuses ou les accélérateurs d’entreprises. Ils n’ont simplement pas encore leur place au soleil. Du côté des associations, je ne pense pas. Très peu de jeunes prennent les rennes d’une structure associative, alors de là à en créer une… Le bénévolat des jeunes est plus volatile, spontané et éphémère ; tout simplement parce qu’ils ont besoin de flexibilité en raison de leurs études ou de leur vie professionnelle. AJIRE essaie précisément de travailler sur ces thèmes : promouvoir les jeunes startupers et accompagner les jeunes associatifs.

Emmanuel : Le contexte économique et la lourdeur des charges n’est pas propice à la création d’entreprises en France. Du moins à l’embauche par la suite. L’engagement associatif peut être formateur pour créer une entreprise et l’inverse est valable aussi. Si l’on veut encourager les jeunes, il faut absolument les alléger en soucis afin de ne pas développer de « phobie administrative ». On peut comprendre que développer des aides soit compliqué. Cependant, les acquitter des différentes charges serait un très grand pas vers l’incitation à la création et à l’innovation. Pourquoi travailler si l’on sait que l’État va nous prendre presque la moitié de nos recettes ?

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Selon vous, les jeunes sont-ils réellement de plus en plus nombreux à quitter la France pour travailler à l’étranger ou créer leur entreprise ? Pourquoi ?

Emmanuel : Cette « problématique » est très sérieuse et évidemment que les jeunes quittent la France pour développer une activité ailleurs, entre autres. Au delà de la fiscalité et de l’administration complexe de la France, ce phénomène est lié directement à la mondialisation et l’accentuation des flux. L’indicateur qu’il faut suivre le plus attentivement, c’est combien reviennent par la suite ? Il est difficile de relever une raison de départ parmi d’autres. Chaque cas est différent même si je me doute bien que beaucoup doivent partir en raison du système social et fiscal en place. Nous avons des effectifs un peu partout dans le monde et eux comptent revenir un jour.

Guillaume : Oui, en effet, il y a une vraie volonté des jeunes à partir. Mais il ne faut pas dramatiser. Nous sommes la « génération Erasmus », et nous n’avons plus le même rapport à la mobilité. Partir ne signifie pas ne plus revenir. Pour autant, l’impression d’être abandonné, exclu, ostracisé, mis de côté est parfois très présente. J’ai été amené à rencontrer beaucoup de jeunes qui ont utilisé ces mots très durs. Le goût du voyage, du dépaysement explique les départs. Mais le manque d’écoute et l’absence d’une vraie place dans la société française sont des sentiments croissants aujourd’hui. Ce qui est, pour moi, problématique.

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En cette rentrée, quel regard portez-vous sur l’Enseignement Supérieur ?

Guillaume : Interrogatif. L’Enseignement Supérieur français est si paradoxal… Nous faisons croire aux bacheliers qu’ils ne sont pas sélectionnés à l’entrée de l’université. Administrativement, en effet. Mais la sélection par le niveau est une réalité, quand le Bac nous berce d’illusions avec des taux de réussite croissants. Je pense encore à la déconnexion entre les formations universitaires et le monde de l’entreprise : qui peut prétendre réussir sans expérience ? Je n’ose aborder la concurrence permanente entre université et écoles privées. Ou encore la compétition malsaine entre les ingénieurs et les docteurs, dont l’insertion professionnelle n’intéresse plus personne. Il est temps d’être lucide sur notre système d’enseignement supérieur, qui a ses atouts, mais aussi nombre de défauts.

Emmanuel : Mon regard est septique. Plusieurs problèmes ont (re)fait surface. Le premier : le manque de place dans les universités. C’est une catastrophe que le public ne puisse plus accueillir tout le monde. Liaison donc parfaite avec le creusement des inégalités et le tri non assumé de quelques universités. Beaucoup d’écoles privées ont augmenté leurs frais de scolarité et la LMDE (l’une des deux sécurités sociales étudiantes) est au bord de la noyade – c’est-à-dire que les étudiants souscrivant à ce centre de sécu ne seront jamais remboursés ! –. Plus beaucoup de places disponibles pour les logements étudiants et l’abaissement des APL vont venir taquiner les oreilles de la ministre. Cependant, cette rentrée est quand même positive car beaucoup d’écoles se regroupent et sont en très bonnes positions dans les classements mondiaux. Donc l’enseignement reste de qualité et reconnu dans le monde entier

Qu’est-ce qu’être engagé aujourd’hui ?

Emmanuel : L’engagement c’est vivre, respirer et transpirer pour une cause ou une organisation. C’est assumer des valeurs et les défendre à toutes les échelles possibles. Un engagement vrai et sincère, c’est un engagement pour soi et non pas pour prouver quelques chose aux autres. Un engagement fort, c’est savoir le transmettre.

Guillaume : Être engagé, c’est avoir l’envie de transformer le monde, au filtre, certes, d’une échelle géographique. Ce sont des valeurs que tu souhaites porter sur le devant de la scène. Mais s’engager, c'est aussi, au-delà du contenu de l'engagement, porter un message : expliquer pourquoi agir est une nécessité, pour soi, pour les autres, pour le présent et pour l'avenir. C'est enfin transmettre une passion et une énergie ; proposer à chacun une nouvelle vision de l'action individuelle et collective. Voilà pourquoi un engagé n’est pas qu’un militant, un associatif ou un syndicaliste. L’engagement jeune joue-t-il un rôle pour la vie professionnelle ?

Guillaume : Evidemment. Tu développes un ensemble de compétences, de savoir-faire mais aussi de savoir-être. En 2012, j’étais un néo-bachelier, avec les connaissances qui vont avec. Aujourd’hui, je sais gérer une comptabilité associative, monter des projets, manager une équipe ou encore piloter une structure. Sans oublier toutes les rencontres. Pour autant, si la seule motivation dans l’engagement tient à une ligne supplémentaire sur un CV, il sera voué à l’échec. Il faut croire dans le projet et dans les valeurs qu’il défend.

Emmanuel : L’engagement peut être formateur. Il permet d’acquérir diverses compétences dans tous types de secteurs. boy standing near dock

Quelle place pour les jeunes dans le monde d’aujourd’hui ?

Emmanuel : La place des jeunes dans le monde d’aujourd’hui doit être plus valorisée. Les jeunes doivent avoir accès à un travail ou pouvoir se le créer de manière plus souple. Les jeunes amènent l’innovation. Ce sont désormais des générations connectées qui naissent. Leur adaptation à la technologie est naturelle. Les jeunes ont une place dans les différentes sociétés du monde. À eux de s’organiser entre eux pour accroître leur place et faire bouger les choses. Forcer des portes est plus facile lorsqu’on est nombreux !

Guillaume : Je rejoins Emmanuel. Leur place est cruciale. Si tu as 20 ans en 2015, tu en auras 35 en 2030. 2030, c’est demain, avec son lot d’innovations, de nouveautés, mais aussi de réformes. Les puissants du monde de demain ont aujourd’hui 20 ans ! C’est sans doute ce que beaucoup oublient en niant l’opinion des jeunes, ou en écoutant seulement certains d’entre eux. Nous avons des idées, des envies, des projets. Faites-nous confiance, et vous verrez qu’ensemble nous pourrons construire le monde de demain. 

Finalement, quel message voulez-vous faire passer aux jeunes ?

Emmanuel : Je n’ai pas la prétention de vouloir faire passer de message. Je pense qu’il faut savoir saisir les opportunités et surtout beaucoup travailler. Il est important de croire en ce que l’on fait et parfois faire abstraction de ce qu’il y a autour.

Guillaume : Moins un message qu’un appel, puisqu’Emmanuel et moi sommes encore des jeunes !

N’attendons pas que l’on nous donne la parole, prenons-la !

Emmanuel en est l’exemple avec Radio VL. La place que les jeunes doivent occuper dans la société, pour prolonger ma réponse précédente, c’est celle que nous voulons aussi avoir. A nous de nous mobiliser, d’agir et de nous engager ! Alors, à nous les jeunes, de prendre la parole. Et j’espère qu’AJIRE pourra aider tous ceux qui souhaitent la prendre et s’engager ! Merci à vous deux ! N'hésitez pas à réagir à cette interview via les commentaires, Emmanuel et Guillaume seraient ravis d'échanger avec vous ! 

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