Entrepreneuriat féminin : créer son entreprise quand on est une femme ça change quoi ?

Mis à jour le  16 avril 2019

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La petite entreprise… au féminin

On me demande parfois s’il est plus difficile d’entreprendre quand on est une femme, voire quelle attitude adopter. Je vois passer des études sur le sujet fréquemment, et les organisations, associations, incubateurs et même concours de femmes entrepreneures ne manquent pas, tous secteurs confondus.

Monter sa boîte quand on est une femme, ça change tout.

Il y a ces rencontres start-ups / investisseurs où votre interlocuteur financier regarde les boucles de vos cheveux pendant cinq bonnes minutes pendant que vous parlez, avant de commencer à écouter ce que vous avez à dire. Entendu à l’une de ces occasions: « finalement c’est vachement intéressant ce que vous faites, vous avez tout compris, on ne s’y attend pas quand on vous voit ». Il y a ces soirées networking où vous devinez le regard toujours un peu surpris de chaque rencontre masculine quand vous leur annoncez que non, vous n’êtes pas seulement chargée de communication, attachée de presse ou graphiste de telle entreprise, au mieux DRH, vous êtes aussi son responsable financier, son stratège, son manager tout court, son dirigeant. Entendu à l’une de ces soirées : « - mais vous avez bien quelqu’un pour vous aider avec les chiffres ? – non, je m’en occupe moi-même – vous voulez dire que êtes une équipe entièrement féminine? ». Dans les secteurs web, on ne s’attendra pas non plus à ce que vous maîtrisiez davantage que les fonctions partage / j’aime sur Facebook, retweet / follow sur Twitter, au mieux un peu d’Adwords et d’Analytics et deux trois balises html pour votre blog – j’exagère à peine. Le reste, c’est un travail d’hommes, à croire que le geek est un guerrier des temps modernes, muni de son clavier comme d’une épée, la geekette son faire-valoir sur les réseaux sociaux et un soutien toujours utile pour le référencement. Dans le cas plus précis de Beyond Croissant, on s’étonne toujours d’apprendre que je n’ai pas de passion particulière pour la cuisine, que je ne suis pas un cordon-bleu, et que si j’aime recevoir chez moi dans les meilleures conditions, la plupart du temps je mange n’importe quoi. C’est étonnant, n’est-ce pas, d’être une jeune femme et de ne pas entretenir par son entreprise sa passion naturelle pour la mode, les produits de beauté et l’art culinaire. Alors on les chouchoute, les petites, on leur réserve des concours, des associations et des incubateurs, il faut bien qu’elles aient une chance, les courageuses. Entendu dans mon second boulot : « on est sérieux ici, on ne fait pas joujou avec un site Internet ». En bref, si l’accueil est chaleureux quand on porte une jupe courte, qu’on a le sourire et qu’on accepte de s’occuper de l’accueil à certains évènements, si on accepte avec plaisir les tables rondes publiques auxquelles on est invitées moins par notoriété, réseau ou talent particulier, davantage pour les besoins de la parité entrepreneuriale, être une femme entrepreneure, c’est différent.

Monter sa boîte quand on est une femme, ça ne change rien.

Quand on me demande si c’est plus difficile d’entreprendre quand est une femme, j’ai mal à mon féminisme. Parce qu’entreprendre, c’est difficile, point. Qu’on soit femme, jeune, handicapé, senior, gay, de couleur. Parce que je me souviens de mon ancienne vie de salariée, et que j’y étais aussi fréquemment confrontée à la misogynie. Nul besoin de se trouver des paramètres supplémentaires pour justifier ou accentuer la difficulté de la tâche. Une femme qui travaille, qu’elle soit salariée ou indépendante, connaîtra les mêmes préjugés sur sa capacité à mener un projet ou à trouver un équilibre avec sa vie personnelle ou de famille si elle a choisi d’en avoir une. C’est à elle seule de démontrer, comme n’importe quelle personne, qu’elle parvient à le faire. Mieux encore, c’est à elle de savoir en jouer, lorsqu’on souhaite la mettre dans cette case. La bêtise est partout. Pour autant, vous n’obtiendrez pas un prêt bancaire ou une levée de fonds plus facilement ou plus difficilement parce que vous êtes une femme. Votre entreprise ne sera pas mieux ou plus mal gérée parce que vous êtes une femme. Pire, vous ne serez pas nécessairement plus sensibles à certains facteurs « par intuition féminine », moins sensibles à d’autres compte-tenu de vos cycles hormonaux. Je ne crois pas davantage à la « touche féminine ». Entrepreneures, je connais des femmes qui sont de véritables requins, d’autres qui sont des modèles de douceur et d’humanité. Les premières ne sont pas nécessairement plus efficaces ou tout simplement meilleures que les secondes, et vice-versa. Il en va de même chez les dirigeants masculins. C’est une question de tempérament et/ou d’expérience, pas de sexe. De la même manière, un succès entrepreneurial ne sera pas d’autant plus satisfaisant du fait que vous êtes une femme : il le sera simplement d’autant plus que vous avez su mener votre projet dans un contexte économique difficile. Finalement, la meilleure stratégie, à mon sens, reste de jouer le jeu comme l’effet de surprise. Jouez le jeu en acceptant vos voies réservées (réseaux, associations, concours, incubateurs féminins, représentations diverses de votre secteur visant avant tout une parité de façade, etc.). Jouez l’effet de surprise en vous concentrant sur votre projet puis votre entreprise au lieu de vous attarder sur ces prétendus facteurs défavorables. Et amusez-vous de ces faux problèmes qui ne révèlent rien de vos capacités à entreprendre.

Photo : Parisian Local by Josephine Docena

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