Reconnaître l’engagement des jeunes ? Oui, enfin !

Mis à jour le  24 avril 2019

Reconnaître l’engagement des jeunes ? Oui, enfin !

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Le 22 juin 2015, France Stratégie, le Commissariat général français à la stratégie et à la prospective (héritier du Centre d'analyse stratégique et de fait du Commissariat général du Plan), a remis son rapport Reconnaître, valoriser, encourager l’engagement des jeunes au Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Patrick Kanner. Tour d’horizon d’un rapport captivant qui pourrait révolutionner notre quotidien.

Des avancées que nous devons porter

Les rapporteurs ont parfaitement saisi les enjeux de l’engagement des jeunes. C’est en effet dans l’éducation, qu’elle soit familiale ou scolaire, que l’engagement trouve ses racines. L’appel à une généralisation du tutorat scolaire au lycée présente de multiples avantages : tout d’abord, effectivement, une transmission d’un capital démocratique et citoyen crucial pour l’avenir de notre Jeunesse. N’omettons pas cependant l’intérêt scolaire et culturel qu’il représente. Il en va de même quand l’institution propose d’introduire le débat démocratique et public au sein de nos établissements d’enseignement. Les exemples québécois et norvégiens sont suffisamment explicites, efficaces et reconnus pour que nous puissions les reproduire : l’organisation, respectivement, de simulations d’élections ou de débats politiques au sein des lycées.

Assouplir la vie des institutions est par ailleurs un souhait au cœur des propositions de France Stratégie, mais aussi des miennes, telles que j’ai pu les formuler dans mes 75 propositions pour la Jeunesse de France. En effet, nous convergeons d’abord sur la volonté d’officialiser le premier vote ou encore la remise de la carte d’électeur. Il est temps de faire valoir le caractère précieux et fondamental de notre droit, qui demeure un devoir civique. Il en va de même quant à la rigidité des établissements d’enseignement, que nous voulons abattre. Le Commissariat propose l’organisation de journées portes ouvertes aux associations dans les collèges et lycées, quand j’imaginais également des journées associatives ou encore la possibilité laissée aux jeunes de créer leurs propres structures dans leurs établissements.

Enfin, la question de l’engagement bénévole des étudiants est cruciale. J’appelle de mes vœux, à l’instar des rapporteurs, une facilitation de cet engagement, notamment grâce à des aménagements et à la reconnaissance d’un statut spécifique qui alloue des droits, notamment en termes d’emplois du temps, mais également des devoirs, à propos de la valorisation de l’engagement en question. En effet, l’engagement est trop souvent perçu comme un don de soi sans retour, ce qui constituerait la beauté du geste. Pour autant, le bénévolat de compétences tend à s’imposer en France, du moins dans quelques entreprises soucieuses de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) et des professionnels. Les étudiants sont également concernés, mais dans une moindre mesure.

En réalité, tout bénévolat est une forme de bénévolat de compétences, dans la mesure où il recoupe un don de temps ou de capacités. Dans tous les cas, il permet aux jeunes de développer des compétences pratiques ou relationnelles, qui sont cruciales pour leur vie quotidienne mais également professionnelle. La valorisation du bénévolat (et notamment par le moyen éventuel des VAE – Validation des Acquis de l’Expérience –) est une priorité que France Stratégie souligne avec raison. Enfin, le Commissariat appelle les institutions à se renouveler. En effet, les structures de concertation doivent être rajeunies, ainsi que les institutions démocratiques. Une délégation interparlementaire pour la jeunesse est ainsi proposée, ainsi que la nomination plus régulière de jeunes à la direction des associations et des syndicats. Nous ne pouvons que souligner le courage des auteurs du rapport en appelant à une profonde réforme des règles mais aussi des mentalités des décideurs. Espérons qu’ils soient entendus.

Ne pas sombrer dans l’instrumentalisation

Pour autant, certaines propositions restent plus discutables, notamment en raison de leur implication dans d’autres domaines qui, certes, incluent les jeunes, mais risquent de bouleverser des équilibres déjà fragiles. En effet, la « note bénévolat » envisagée par le Commissariat aux examens nationaux ou encore les points supplémentaires éventuellement accordés aux candidats à la Fonction Publique risquent d’instrumentaliser l’engagement afin de faciliter des résultats scolaires ou professionnels. Alors que nos examens et concours se dévalorisent d’année en année, nous risquons de mettre à mal la crédibilité de nos diplômes.

En revanche, comme je l’avais déjà proposé, un compte associatif qui serait crédité à chaque période de bénévolat pourrait être créé, offrant par exemple l’accès à des formations (à l’image des comptes de formation) ou encore à des frais d’inscription réduits. Je suis par ailleurs opposé à la généralisation du tirage au sort dès lors qu’il s’agit de la représentation lycéenne, étudiante ou jeune. Il s’agit, à mon sens, de l’exact inverse de l’exemple même démocratique que nous souhaitons inculquer à nos jeunes. Ni les instances lycéennes, ni l’éventuel « Parlement national des jeunes » ne doivent être composés uniquement de jeunes tirés au sort.

Dans mon ouvrage déjà cité, j’invitais plutôt à une répartition en tiers. Autrement dit un tiers de jeunes élus par les étudiants et les lycéens, au suffrage direct ; un tiers de jeunes élus par des associations dirigées par des jeunes, au suffrage indirect donc ; et un tiers tiré au sort, effectivement. Quant à la question de la légion d’honneur et de la médaille d’honneur du bénévolat associatif, je ne suis pas convaincu que les jeunes soient aussi attachés aux distinctions honorifiques. Au contraire, les jeunes ont plutôt une assez virulente aversion pour la République des médailles comme le dirait Thierry Sarmant.

Valoriser l’engagement est aussi le rôle des jeunes engagés

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La lecture de ce rapport peut toutefois se révéler décevante quant à la définition de l’engagement. En effet, malgré l’appel aux sources scientifiques afin de le définir, seuls les associations, syndicats et partis politiques sont considérés comme des structures d’engagement. Alors que l’engagement évolue dans une pleine et entière restructuration de la citoyenneté active des jeunes et moins jeunes, le réduire aux organes institutionnels revient à exclure une grande majorité des jeunes engagés. Sont en effet exclus les jeunes de plus en plus nombreux à produire numériquement des pétitions, des argumentaires afin de défendre leurs valeurs, et ce bien loin des structures formelles. Cet engagement informel, certes plus volatile, est parfois le berceau de l’engagement formel. Les propositions de socialisation des jeunes grâce aux TIC sont donc tout à fait légitimes. Pour autant, ces engagements numériques ne doivent pas être considérés uniquement tels des moyens pour une fin mais bien comme des engagements à part entière. Il en va de même avec les engagements dans des collectifs non constitués. Au-delà de cette question de définition, de plus en plus de jeunes insistent sur le caractère polymorphe de l’engagement. En effet, les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) pourraient eux aussi jouir du titre d’ « engagés », alors que les SCOP, les fondations ou les start-ups se révèlent de plus en plus nombreuses dans le paysage socio-économique. Très clairement, les jeunes créateurs d’entreprises n’envisagent plus seulement leur structure d’un point de vue économique et financier, mais font de la RSE-RSO (Responsabilité Sociétale des Entreprises et Organisations) une priorité. C’est en ce sens que la définition de l’engagement doit être revue, afin de ne plus exclure des acteurs qui pourtant sont souvent présents à de plus grandes échelles encore. Néanmoins, je reste convaincu que les institutions, les tenants des organisations d’engagement ou encore les familles et les enseignants ne sont pas les seuls à devoir se mobiliser. Les jeunes déjà engagés ont également leur rôle à jouer, et notamment en se montrant plus accessibles et en promouvant à leur tour ce qui constitue l’essence même de leur engagement. La socialisation émane également des pairs, et c’est en ce sens que nous devons, nous, jeunes engagés, nous montrer plus pédagogues. À nous de mettre en avant une nouvelle vision de l’engagement afin d’encourager tout jeune qui hésite ou qui n’en pas encore eu l’idée de passer le pas. À nous de nous unir pour détruire un à un les préjugés sur les jeunes, bien trop résistants dans les sphères politiques mais aussi dans la société ou encore dans le monde de l’engagement. À nous d’être les acteurs du changement de demain, mais aussi d’aujourd’hui. engagement des jeunes infographie

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